Narration, silence. Transmission transgénérationnelle du trauma psychosocial chez des petits-enfants de victimes de la dictature militaire chilienne

Traumas collectifs et transmission
Par Ximena Faúndez, Marcela Cornejo, Jean-Luc Brackelaire
Français

Le phénomène de la transmission transgénérationnelle du trauma provoqué par la violence organisée a été étudié dans de nombreux contextes, comme l’Holocauste et les dictatures latino-américaines des années 1970. Dans les deux cas, les recherches ont porté sur la deuxième génération, c’est-à-dire les enfants des victimes. Ce n’est que récemment que les recherches se sont intéressées à la troisième génération, les petits-enfants. C’est le cas de la présente recherche, qui étudie ce phénomène chez les petits-enfants de victimes d’emprisonnement politique et de torture de la dictature militaire chilienne (1973 à 1990). 14 jeunes âgés en moyenne de 21 ans ont raconté, dans le cadre de récits de vie, leurs histoires en tant que petits-enfants de victimes de prison politique et de torture de la dictature militaire. L’analyse des récits fait état d’un processus narratif qui construit, par paliers et au fil des générations, l’histoire de vie des petits-enfants selon une logique de transmission et d’appropriation du trauma, nourrie d’histoires et de mémoires familiales sur l’expérience traumatique de leurs grands-parents, où priment des dynamiques familiales d’évitement et de silence autour de cette expérience. Les petits-enfants ont des connaissances sur les histoires traumatiques de leurs grands-parents et intègrent à leurs histoires des coordonnées temporelles et spatiales pour reconstruire cette expérience. Deux scènes relèvent, dans leurs histoires, d’une importance particulière, en qualité d’événements biographiques qui font irruption dans la continuité biographique et narrative : la scène de l’arrestation du grand-parent, que les petits-enfants imaginent et reconstruisent comme un maillon articulant leurs histoires et qu’ils décrivent dans les détails, et celle de la torture du grand-parent, qui bien que dénoncée par les petits-enfants, marque une rupture générationnelle dans la vie familiale et ne peut être ni représentée, ni narrée, ni intégrée aux récits des petits-enfants.

Mots-clés

  • transmission transgénérationnelle du trauma psychosocial
  • trauma psychosocial
  • dictature militaire chilienne
  • Chili
  • violence politique
  • torture
  • troisième génération
  • narration et élaboration
  • approche biographique
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