La cruauté et les avatars de la subjectivation

Théorie
Par Jean-Paul Matot
Français

Résumé

À partir des pistes dégagées par S. Freud et par D.W. Winnicott, la cruauté est envisagée dans une première partie de l'article comme la violence effractante exercée, au cours de son développement, par le bébé sur la mère dans les registres de l'auto-conservation et de l'emprise, en deçà de toute prise en compte de l'effet, sur la mère, de cette violence. La place du masochisme originaire du bébé, et du masochisme féminin de la mère, dans la liaison transformatrice de la cruauté, est discutée. Cette liaison permet la constitution d'une enveloppe psychique, dont les travaux de D. Anzieu ont montré les rapports qu'elle entretient avec la peau. Les défaillances de la construction de ce Moi-peau, à partir d'une peau commune à la mère et au bébé, déterminent les issues pathologiques spécifiques de la cruauté. Deux figures emblématiques sont présentées pour illustrer ce registre : celle de Cruella dans Les 101 Dalmatiens, et celle du meurtrier en série du Silence des agneaux. Ces formes meurtrières, issues de l'imagination des écrivains, font apparaître clairement que la cruauté se distingue nettement du sadisme tant par son but, qui vise l'appropriation d'une enveloppe contenante par effraction non sexualisée de la peau d'autrui, que par l'absence d'une recherche de plaisir dans la souffrance, de soi comme de l'autre, témoignant d'une économie purement narcissique, qui barre, de manière plus ou moins étendue, l'accès à la subjectivation. Certaines « expériences » nazies dans les camps d'extermination en confirment la réalité potentielle.

  • Cruauté
  • moi-peau
  • Cent et un dalmatiens
  • Silence des agneaux
  • masochisme
  • narcissisme
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