Génocide des Tutsis au Rwanda : quand le viol des femmes est utilise pour annihiler l’origine même de la vie et de la pensée
Le viol a été systématiquement utilisé comme une arme redoutable au cœur du génocide des Tutsis au Rwanda. La cruauté qui accompagnait les violences sexuelles s’est particulièrement appuyée sur les tabous qui étaient au cœur de la société, retournant la culture contre elle-même (Godard, 2014). Le présent article traite des expériences vécues par les femmes victimes de ces actes ignobles perpétrés dans un tel contexte. Elles portent la marque d’une destruction invisible et secrète du lieu même de la fécondation, de l’espace intérieur où germent la vie et la pensée (Altounian, 2000). Leurs témoignages se sont dits et ont été recueillis dans le cadre d’une recherche-action au travers de groupes de parole. Au sein de ce dispositif de travail clinique, les femmes rencontrées tentent de renouer avec l’originaire et la pensée annihilée par le viol sur fond d’extermination génocidaire. Leurs récits témoignent de ce travail de réorigination, de reprise d’une pensée personnelle, de réappropriation par les femmes de leur histoire pour la relancer. Elles s’attellent, au péril d’elles-mêmes, chacune et en groupe à une (re)création de leur personne propre et d’un collectif féminin. L’article montre comment un tel processus implique notamment l’élaboration mythique d’une origine familiale sur le fond de la disparition de la famille ; une tentative périlleuse et vitale de reprise personnelle et sociale, partagée, des événements de vie qui ont empêché la vie, qui se répètent entre générations et que l’on essaye de reconnaître et transmettre lorsqu’on réélabore l’histoire à partir d’aujourd’hui ; et une traversée par la pensée et la parole partagées des expériences de mort subies lors des viols et autres violences sexuelles dans le génocide.
Mots-clés
- femmes
- viol/violences sexuelles
- origine
- groupe de parole
- génocide
- Rwanda